LA
Super Chronique du
CHE GILLET !

Chronique n°39, mercredi 12 juin, La Havane (Cuba)
Dimanche 9
juin, La Havane
Lever à 5h30 du
matin, à Ciudad de Guatemala. Entre le taxi (qui n'a pas la monnaie) et la
taxe d'aéroport (qui a le même problème), on a toujours l'impression de se
faire arnaquer. Nous partons à 9h45 dans un avion de Cubana Aviacion, un
vieil appareil d'origine russe, tout cabossé à l'intérieur. Il a sûrement
plus de 30 ans.
Cet avion part
au Sud jusqu'à la capitale du Costa Rica : au décollage, je vois bien, car
il fait très beau, une série de volcans dont un a une altitude de 4.000
mètres, très proche de la ville, et un autre, plus loin (50 Kms ?) en pleine
activité, avec un assez gros panache de fumée qui voile le ciel jusqu'à
l'horizon.
Plus d'une heure
de transit au Costa Rica et l'on repart vers Cuba. On nous passe tous aux
contrôles habituels (scanner pour les bagages et les personnes), puis les
chiens, puis une machine qui repère les bombes dans les bagages de cabine.
Et ce plusieurs fois (5 fois).
Le voyage se
passe bien ; je serrais un peu les fesses au départ, car le Ministère des
Affaires Etrangères m'a envoyé un document mettant en garde contre le
vieillissement de la flotte cubaine ; et la note ajoute que depuis 1999, 2
appareils se sont écrasés, sans parler du terrorisme anti-castriste qui a
fait sauter un autre avion !
On arrive à
l'heure, mais il me faut un visa : en réalité, c'est tout simplement une
taxe de 15 dollars ! Je sors sans bureaucratie outre mesure et direction
l'hôtel (et 20 $ de taxi !). Je suis dans un très grand hôtel (Riviera) en
bord de mer ; mais la piscine est à l'abandon, le bruit des ventilos (en
bas, dehors) est important, et tout paraît, lorsqu'on y regarde de près,
usé, poussiéreux et obsolète. Quant aux prix des services, on a vraiment
l'impression de subir une ponction permanente.
La ville, à
l'inverse de celles que j'ai vues jusqu'ici, me semble propre. Il y a une
attention portée à l'environnement, c'est sûr. Les slogans ("Siempre rebeldes",
"barrio revolucion"), les effigies ou portraits de Marti, Sandino, Le Che
sont bien sûr visibles.
Il est 19h30, je
fais ma chronique pendant que la gauche s'effondre au premier tour : compte
tenu de la façon dont elle a agi au second tour des présidentielles, c'était
logiquement prévisible ; elle a perdu sa légitimité d'opposition ou
d'alternative.

Lundi 10 juin
Toujours à La
Havane, 2,5 millions d'habitants (sur 12 millions à Cuba). On annonce pour
aujourd'hui 32°.
Le petit
déjeuner est somptueux et des ouvriers refont la piscine, repeignent et
réorganisent les jardins. Cet hôtel a vu la venue de Joe Louis, Rocky
Marciano, Bogart (une époque), mais aussi Allende, Angela Davis et Dany
Glover, grand ami de Fidel et de Cuba.
Je pars à pied
le long du paseo jusqu'à la plage de la Révolution, où se trouve une immense
statue de José Marti et où chaque année, Fidel fait son discours de
plusieurs heures pour l'anniversaire de la Révolution cubaine face au fameux
portrait du Che dessiné sur un immense mur et, entre les deux, plusieurs
centaines de milliers de personnes.

Cette avenue,
qui fait 2 kms, est bordée d'arbres et de belles demeures dont une sur 2 est
quasiment en ruine. En descendant, je passe à Cultura y Desarollo et je suis
reçu par A. Rama. Nous discutons une heure des recherches et formations de
haut niveau qu'ils réalisent pour le compte du Ministère de la Culture. Je
rencontrerai la directrice mercredi en début d'après-midi.
Je pars en
scooter aménagé vers le centre historique. J'en profite pour dire que le
parc automobile me semble comporter 25% de voitures de moins de 10 ans, 50%
de voitures entre 10 et 20 ans et 25% entre 30 et 50 ans, dont de vieilles
Buick, Chevrolet et autres Dodge qui crachent tout noir et éructent pas mal.
Il y a aussi beaucoup de side-cars.
Je passe tout le
long de la mer jusqu'au Castillon San Salvador de la Punta, puis, de l'autre
côté de la Bahia de La Habana, il y a la Fortaleza de San Carlos de la
Cabaña. Puis je me promène dans la vieille ville, avec ses bars réputés
(encore un qui est couvert d'inscriptions, dont d'Allende et d'Hemingway, et
de peintres et écrivains : je m'y fais draguer par une jeune prostituée bien
roulée. Il y en a beaucoup, bien que la prostitution soit interdite. Et il
faut avouer que beaucoup de jeunes femmes noires sont grandes et belles.
Mais on m'a prévenu aussi qu'à s'approcher sans payer, on risque de se faire
accuser d'agression !).
Je vais à la
Cathédrale ; dans les petites rues, il y a de la musique
(orchestre jouant
la chanson del Commandante
(note des webmasters :
lyrics ici ) bien sûr), des vieilles femmes fumant "el puro",
des jeunes cherchant le dollar à échanger ou mendiant (mais après avoir fait
la conversation avec le touriste). Je vais jusqu'au Capitole (qui est le
musée de la Révolution : il y a de nombreux musées dans la ville) et comme
le ciel devient tout noir (je suis trempé, il fait très orageux), je
reprends le même type de transport. Je me repose à l'hôtel. 17h : la pluie
menace.

Mardi 11 juin
Le climat
tropical (un peu comme à Belem) ronge certaines parties de la ville. Je
découvre qu'il y a
aussi un parc John Lennon, parce que Fidel aimait la musique des Beatles.
Hier, à
l'Assemblée Nationale (et à la télé), en présence de Fidel, il y a eu une
réunion d'appui à la politique du gouvernement de la part de toutes les
organisations de masse de l'île. Il s'agit de la réponse du peuple cubain au
discours du "terroriste et mafieux" Bush et de sa camarilla : "Patria o
muerte. Venceremos !". Dans son discours, Fidel déclare à propos "del
caballero" (il ne cite pas Bush) : "Es preciso que le quita la musaraña que
tiene en la cabeza !". Il propose enfin l'organisation d'une marche dans
tous les villages de Cuba pour appuyer les initiatives des organisations de
masse. Il ne devait pas faire de discours. Il s'arrête au bout d'une heure
et demie.
Quant à l'hôtel
où je suis, il a été la propriété d'un mafieux de Lucky Luciano avant de
devenir ce qu'il est aujourd'hui, et ce depuis la Révolution de 58.
Ce matin, ciel
noir et légère pluie. Je vais à l'Ambassade de France. J'y rencontre un
attaché de coopération universitaire et scientifique. Il a fait ses études à
Bordeaux 3 en Lettres Modernes. Il m'apprend que Jean Lamore est passé ici
il n'y a pas très longtemps (autre universitaire de Bx3, spécialiste des
Caraïbes). Nous parlons pendant 1h1/2. Il me donne beaucoup d'informations
et un contact à l'Université.
J'apprends
qu'avant la venue de J. Carter, un groupe de plus 11.000 signataires (avec
nom, adresse, photocopie des papiers d'identité, donc avec énormément de
volonté et de courage), utilisant un article de la constitution donnant la
possibilité de la modifier, si, entre autres, plus de 10.000 personnes la
réclament, ont envoyé, par l'intermédiaire d'un prêtre, une demande de
révision de la constitution avec 3 points : libération des prisonniers
politiques, légalisation de l'initiative individuelle et élections libres.
J. Carter en a parlé à la télévision et à la radio, en direct, ce qu'il
avait posé comme condition à sa venue, et à l'Université de La Havane. C'est
la première fois que les cubains ont pu ainsi connaître cette initiative.
Le discours de
Fidel d'hier vise, en promouvant la manifestation nationale de demain
mercredi, à soutenir la demande faite par les organisations de masse à
l'Assemblée Nationale Populaire de modifier la constitution, visant à
abroger en particulier la disposition antérieure permettant la modification
de cette même constitution. Bien jouée la manœuvre ! Un peu-beaucoup
politicienne !
Demain, grande
manifestation, donc, Plaza de la Revolucion ! Toute activité est arrêtée :
les CDR (Comités de défense de la Révolution) y veillent par zone, quartier,
pâté de maison. Je vais y aller, bien sûr. Je ne manquerai cela pour rien au
monde.
Je suis revenu à
pied de l'Ambassade (quartier Miramar), 2 heures de marche sous la chaleur
d'orage et les nuages noirs. Beaucoup de maisons lépreuses, un environnement
dégradé, un petit port de pêche envahi de détritus, un ou deux immeubles
type HLM abandonnés. Beaucoup de chantiers aussi.
Je mange au 20ème
étage de l'hôtel avec vue splendide sur la mer. Puis je repars à pied vers
un marché artisanal pas très loin. Il se met à pleuvoir.

Sachez pour
conclure 3 choses.
L'économie
cubaine est mal en point (aussi bien sur le plan industriel qu'agricole),
mais le niveau éducatif et sanitaire est très élevé (ils vont sûrement
devenir les premiers au monde avec le plus faible taux de mortalité). Le
sport et les arts sont aussi très importants quant à l'image du régime, d'où
les efforts considérables en ce domaine.
Voilà pour le
contrôle social et politique. Par contre, sur un plan plus quotidien et
sociologique, j'ai remarqué qu'ici les femmes sont sifflées, interpellées,
dévisagées (c'est une façon de dire les choses…) par les mecs de manière
très régulières. C'est ici qu'il y a du travail pour les "Chiennes de
garde".
Fidel passe de
nouveau à la télé, longuement. Il présente les manifestations et les marches
de demain (mais sous la pluie vraisemblablement). La manif. de La Habana va
se concentrer vers le font de mer (le Malecon).
Je vois encore
Manu Chao à la télé cubaine (après le Mexique).
Je remercie pour
leurs messages : Philippe Ducalet, Christine Van Elsuwe, Jean-Pierre
Descamps.
Pensée du jour
(trouvée au restaurant)
: "La découverte d'un nouveau plat fait plus pour le bonheur de l'espèce
humaine que la découverte d'une nouvelle étoile." Brillat-Savarin.
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