Santiago, le mercredi 6 mars.
Il
fait très chaud sur Lima ce dimanche 3 mars, et tel l’albatros, voyageur
solitaire, je prépare mon départ. Puis je me dirige à pied vers une pyramide
pré-inca en plein centre ville. Elle date de 200 après JC. et a été utilisée
jusqu’à 400 après JC. Elle fait 400 mètres sur 22 mètres de haut, mais à
l’origine, elle faisait près de 30 mètres sur 7 paliers. Les érosions, les
pillages guerriers et ceux des voisins pour construire leurs maisons l’ont
abîmée et elle n’a été récupérée qu’en 1967 pour y faire des recherches,
faute de fric. Il y a un travail énorme à réaliser. Il y en aurait une
trentaine dans la ville et ses environs, mais seulement 2 ou 3 ont été
soumises à des fouilles. C’est la municipalité, avec des soutiens privés,
puisqu’il n’y a pas de ministère de la culture, qui financent. J’y apprends
que l’on mangeait à cette époque du cochon d’Inde et je vois mon premier
lama, ainsi que le chien dit « peruano », sans poil, tel un lévrier. Une
horreur, pire encore que le précédent ! J’ai vu un autre drôle de zèbre (et
en plus, c’était un vétérinaire), un espagnol arrivant pour la visite avec
15 minutes de retard, prenant la parole en permanence pour parler de lui et
de ce qui lui convenait, monopolisant la guide avec des remarques de plus ou
moins bon goût, et, au bout de 25 minutes, se cassant parce qu’il avait
autre chose à faire : les conquistadores sont encore bien là !
Je
rentre à pied, bien sûr, par la municipalité du district de Miraflores, où
sont exposées des peintures magnifiques, qui me plaisent bien. Dans ce pays,
pour concurrencer le « Beaujolais du Texas » (le coca-cola), ils ont inventé
le « inca-cola », c’est-à-dire de la limonade avec du citron tout jaune
colorant et très sucré. Pouah, les calories !
Je
rentre après 2 heures et demie de marche ce jour là. Nouveau scandale : on
découvre que des hommes politiques proches de Fujimori ont des comptes en
Suisse.
Lundi 4.
Un
voyage et des formalités sans problème. Avant Santiago, la mer et de la
caillasse toute dorée, à 1.000 ou 1.500 mètres, mais peu à peu, ça monte à
4.000 autour de Santiago, d’où l’on voit aussi les Andes, avec des sommets
de plus de 6.000, des neiges éternelles tout en haut.
Mon
hôtel n’est pas des plus jeunes, mais ça me convient. Je pars à L’Institut
franco-chilien de la culture où je suis très bien accueilli (grand merci à
Magali et à Cristina). Puis direction l’Office du tourisme où je prends des
renseignements pour Valparaiso et le désert d’Atacama pour la venue de
Mireille.
Cette
ville a l’air normale. Près de 6 millions d’habitants pour un pays de 15
millions au total. Ce jour, je n’ai pas vu un flic ; ça me change, ni
vigile, seulement un gardien de parc. Les piétons et les feux sont
respectés, alors que le taxi qui à 5h30 du matin m’a amené à l’aéroport de
Lima a brûlé tous les feux rouges. Un métro, une seule compagnie de bus,
quelques SDF et un mendiant.
Il
fait chaud ici aussi (31 degrés), c’est la fin de l’été et l’école vient de
reprendre. La ville me paraît propre, les femmes et les hommes nettement
moins typés indiens : on se croirait plutôt dans une ville espagnole, mais
avec beaucoup moins de démonstrations, de gestes et de paroles fortement
appuyées.
Ce
pays me paraît d’autant plus civilisé que, n’ayant pas mangé à midi, ce soir
je me tape un poulet frites, avec du pain ; foin du riz, dont j’ai ma claque
! J’ai changé de culture, c’est sûr.
Par
contre, en Colombie, ça ne s’arrange pas : les FARC ont assassiné une
sénatrice et ici, il me semble qu’il y a des difficultés avec Cuba et la
Suisse à propos de blanchiment d’argent sale.
Mardi 5.
Aujourd’hui, je marche près de 4 heures. A l’est, puis à l’ouest, et de
nouveau à l’est. J’ai mal évalué les distances.
Je
rencontre et je mange avec la collègue Tijoux, sociologue à l’Institut Arcis,
ainsi qu’avec une de ses amies française. Cette sociologue, emprisonnée sous
Pinochet (ainsi que son mari), a été expulsée du Chili et, après avoir fait
sa vie à Lille et à Paris (elle a fait des études d’éducatrice spécialisée
et aujourd’hui, elle est titulaire d’une thèse en France). Elle me décrit la
précarité des universitaires ici, dans un système où Pinochet a fait des
ravages, par la privatisation des universités et leurs coûts prohibitifs,
sans parler des absences du système de retraite et de santé : il faut payer
très cher pour cela. Certaines universités ont eu des relations étroites
avec la dictature et je vais les éviter. Avec elle, je fais le tri pour ne
pas me retrouver avec l’Opus Dei, ou être obligés d’éviter certains sujets
sensibles.
Son
mari est avocat (mais encore en France, d’où elle rentre) et ses enfants
restent en France. Elle n’a pu revenir au Chili avant 1990 (en passant,
petit coucou à Yvan Quesada, qui la connaît bien, et m’avait donné son
adresse : son mari et Yvan ont connu la prison ensemble). Elle m’invite chez
elle ; j’y installerai mes pénates demain.
Après,
je me balade dans ce quartier, très agréable, très commerçant (tiens, ici,
des vendeurs à même le trottoir et des cireurs de chaussures), quartier des
ministères. Moment important, je fais le tour du Palais de la Moneda où
Allende est mort les armes à la main, avec beaucoup d’émotion ; je me
souviens de ma rage à l’époque, devant mon impuissance face à la gauche
massacrée.
Puis
je vais à la Place d’Armes visiter l’imposante cathédrale qui pourrait faire
un grand parking (le côté anti-curés chez moi ressort vite). Je prends le
métro pour la première fois : français, bien sûr, nickel et facile, comme à
Caracas ; cocorico ! Ce soir, je vois un vieux avec sa bourge, et il se
promène avec une barre de fer à la main : je ne suis pas rassuré par ce
nouveau délinquant. Ici aussi, le maire de droite fait une campagne «
tolérance zéro ». Il serait, dit-on, futur candidat aux présidentielles dans
2 ans. Enfin, il y a une campagne sournoise contre l’immigration péruvienne,
raciste, avec inscriptions hostiles sur les murs, crachats dans la rue, etc.
Cette désignation de bouc émissaire contre les difficultés touche désormais
des gens des couches moyennes et des classes populaires, sensibles à cette
haine par peur du lendemain.
Mercredi 6.
Je
suis à l’Institut franco-chilien pour faire ma chronique. Il fait toujours
aussi beau. Cet après-midi, je vais dans une agence de voyage pour préparer
le départ pour Buenos Aires, puis Montevideo. En fin de journée, je
déménagerai. Demain, je préparerai une dizaine de rendez-vous pour les jours
à venir.
Amitiés à tous, à samedi.
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iconographi
e
extraite du show visuel
(dd-jpd-I'mages'In-AMITEL)
partie du spectacle du
Théâtre de la Source
"Lettre à Pinochet"
(théâtre, musique, projections)











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