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LES CHRONIQUES DE VOYAGE II... 

Chronique n° 44, Cayenne, le lundi 21 octobre

Terres de Guyane - Qui sommes nous ?


Chronique n° 44, Cayenne, le lundi 21 octobre

 


 

 

 


 


 

 


 

 

 

 

 

 

Pour la 6° fois, je repars vers la Guyane afin de finir mon enseignement pour la formation continue en animation sociale et socioculturelle que le Département Carrières Sociales a mise en oeuvre de l’autre côté de l’Atlantique, depuis 2 ans maintenant, en collaboration avec l’Université du Campus Saint-Denis. C’est une belle aventure pédagogique que j’ai eu l’honneur et le plaisir d’initier avec le soutien des collègues, lors de mon mandat de chef de département et qui se prolonge avec ma successeure, Clotilde de Montgolfier, puisque une 2° promotion est en route pour 3 ans encore.

Cette fois-ci, je suis en compagnie de Mireille, mais mon enthousiasme est amoindri par l’interruption de la préparation du colloque que cela occasionne, par la fatigue accumulée et la nouvelle que cela implique, ainsi que la surcharge que cela va entraîner, puisque au-delà de mon enseignement de 20 heures, je dois assumer 8 jurys de rapport de stage.

 Les 2 premiers jours me paraissent pénibles, car la chaleur est lourde, inhabituelle pour cette saison, disent les autochtones, cette modification étant intégrée dans les changements climatiques de ce continent.

 Il va nous falloir dormir avec la fraîcheur de la climatisation et son ronronnement, entrecoupé de moments de silence jusqu’au redémarrage nécessaire du moteur avant que le chaleur ne me mette en nage (Mireille est plus à l’aise que moi dans cette météo).

 Samedi 12 octobre.

 Nous partons vers le sentier de Rorota dans le secteur de Remire-Monjoly, à quelques kms. de Cayenne. Il s’agit du Mont Mahury (162 mètres) : le chemin y décline une boucle qui se déroule près d’un petit rio et de plusieurs retenues d’eau alimentant en eau potable les environs. 2 heures de balade au milieu des oiseaux, de cascades et de la forêt. C’est ici que, l’an passé, nous étions allés, Jean-Luc Richelle et moi, mais un peu tard. Nous avions été obligés de rentrer, surpris par la tombée du jour, et je me souviens que mon collègue n’était pas vraiment rassuré, la nuit n’étant percée que par les trouées momentanées des lucioles, au milieu des bruissements et des lianes ou feuilles que nos têtes accrochaient ici ou là.

http://perso.wanadoo.fr/redris/HTML/Fleuve.htm  (les fleuves de Guyane)

 Puis, nous allons dans un restaurant chinois que je connais depuis Mai, grâce à mon pote Etienne de la DRDJS (salut à toi désormais de retour en métropole), où nous mangeons de l’excellent mérou. Ensuite, repos.

 Dimanche 13 octobre

L'habitation Vidal

 Nous partons vers l’Habitation Vidal dans les environs de Remire-Monjoly. Après avoir repéré les lieux la veille (en vain), nous arrivons à trouver le sentier qui mène à cette ancienne exploitation agricole (pour la canne à sucre) du 19° siècle. En effet, comme presque toujours en Guyane, tantôt les indications des guides ne correspondent plus à la réalité du terrain, tantôt les panneaux directionnels (avec le toucan comme symbole) ont disparu dans la végétation ou sont détruits par l’homme ou le climat. Il y a un gros problème de signalisation dans ce pays : attirer le touriste signifie un changement de comportement, sinon les efforts seront vains.

http://www.guyanetourisme.com/fr/crand.htm

 La promenade (2h) est superbe dans une forêt à couper le souffle, avec des oiseaux partout et nous nous attardons sur les bruits qui montent des sous-bois (cochons sauvages, agoutis, iguanes, lézards) ou descendent des arbres ; par deux fois nous admirons une colonie de petits singes (30 à 40), accompagnée de quelques babouins. Les restes de l’exploitation (broyeurs de canne, marmites en fonte, fours, sont envahis par la végétation. Tout rouille et se disperse, abandonné par l’Homme à une disparition proche. Effacement de la mémoire d’une très importante colonie d’esclaves ? Après celle du bagne des annamites dans le même état).

 Puis nous prolongeons la visite par un chemin non indiqué sur les cartes et qui serpente dans la forêt : au bout d’un quart d’heure, Mireille, pas très rassurée, me demande de faire demi tour.

 Direction le barrage du Petit Saut (après Kourou), que Mireille ne connaît pas. Ce barrage EDF qui alimente la Guyane en électricité a inondé une partie de la forêt et est devenu un lieu de détente (mais aussi de passages de clandestins arrivés du Brésil), avec des carbets pour le week-end dans les bras du lac et des rotations de pirogues pour ceux qui retournent dans les villages de l’intérieur aux abords des berges de cette importante étendue d’eau.

Photo

 Au retour, nous apprenons que le collègue Eric Gallibour attend depuis 2 heures de temps à l’aéroport que quelqu’un de l’hôtel vienne le chercher : nous y allons !

 Lundi 14 Octobre.

 Arrivé à l’Université de Cayenne vers 7h30 du matin, j’apprends que les étudiants n’ont pas été prévenus de mon enseignement pour cette semaine ! Tout avait pourtant été organisé depuis Bordeaux, mais il semble qu’ici tous ont été obnubilés par les jurys de rapports de stage et ont occulté involontairement le reste. Il faut avertir les stagiaires par téléphone pour qu’ils soient présents le lendemain à 8h.

 Eric et moi (ainsi que des professionnels), nous commençons les jurys ce lundi comme prévu. Le soir à l’hôtel un punch spécial permet de fêter mon anniversaire : 61 ans. Je n’ai plus toutes mes dents, mais j’ai encore du mordant !

 Mardi 15 octobre.

8h : les stagiaires sont presque tous là.  Je préfère cependant annoncer l’annulation de l’évaluation prévue, compte tenu de la situation exceptionnelle qui n’est pas de leur fait, des absences annoncées et excusées, même momentanées, de certains (femmes enceintes, gardes d’enfant difficiles, départs en avion déjà retenus pour l’intérieur).

 Je les considère cependant comme très attentifs tout au long de la semaine. Que de progrès accomplis depuis le début de cette formation, il y a maintenant 2 ans ! Cela fait plaisir au pédagogue que je suis, de même que le démarrage d’une nouvelle promotion en Novembre de cette année, marquant ainsi plus profondément encore l’existence de ce DUT animation en Guyane.

 Mardi après-midi, Mireille et moi emportons le casse-croûte pour faire une balade à Matoury (12 kms de Cayenne) sur le sentier de la Mirande (ancienne usine en ruine). Il s’agit d’une réserve naturelle dans une magnifique forêt située sur un mont de 243 mètres, point le plus haut entre l’Amazone et l’Orénoque. Des arbres tropicaux qui ont pour noms ficus, fromagers, inguipipa, etc. Des papillons, des oiseaux bien sûr. Et une petite rivière qui longe un moment le sentier absolument chantante et charmante. Par instant, à l’inverse, devant l’immensité et des arbres dont certains auraient plus de 200 ans, on est replongé dans Fitzcarraldo, Mission ou Aguirre.

 

 Le soir, nous allons coucher au camp Patawa, auberge forestière à 60 kms de Cayenne. On dort au milieu des cris de la nuit sous une immense moustiquaire et bercés par les ronflements multiples de plusieurs ornithologues : ils chassent de nuit (les insectes), mais se relaient dans les chambres alentour, lesquelles ne sont séparées du dehors et des autres locataires que par des planches et des grillages pour éviter des visites dérangeantes.

 Mercredi 16 Octobre.

Kaw

 On part pour la journée dans le marais de Kaw en pirogue avec une quinzaine de touristes. Visite d’abord du village de Kaw, 60 habitants qui vivent essentiellement de la pêche et refusent pour le moment toute route directe vers Roura. Ils ont juste une piste de 4 kms aux alentours. Le village comptait avec les esclaves près de 1000 habitants au 19° siècle et 200 en 1950.

 Près d’une maison sur deux est en mauvais état, la propreté n’est pas à la hauteur de la réputation du village qui peut accueillir des touristes et des chasseurs (mais pas n’importe quoi, ni n’importe où, ni n’importe quand). IL y a un café, un restaurant, une épicerie, des gîtes, dont un municipal. Puis, c’est le départ dans le marais avec une heure de pirogue vers un carbet flottant où nous déjeunons d’un poulet boucané. Des oiseaux de toutes sortes partout, des anguilles électriques, des piranhas, des feux sauvages dans les savanes (pour des raisons agricoles dit-on, mais il n’y  pas grand-chose par ici si ce n’est des élevages de zébus).

 Nous restons ainsi à nous promener dans le chenal jusqu’au retour vers 17h30.

Cette région est connue depuis sa colonisation au 17° siècle, mais toutes les tentatives d’implantation de cultures (cacao, sucre, thé) ont fini, pour une raison ou pour une autre (Révolution française et fuite des nobles, fin de l’esclavage, échec de grands travaux d’aménagement style polders).

 Nous rentrons fatigués et colorés de coups de soleil. Mais Mireille est aux anges.

 Jeudi 17 et Vendredi 18 octobre.

 Cours et jurys tout au long de ces 2 jours. De son côté, Mireille attend Sandra, jeune surinamienne qui fait un CAP de couture et que nous avons pris comme stoppeuse il y a un an et demi du côté de Mana .Elle correspond avec nous et nous l’avons revue chez elle il y a un an. Elle ne connaît pas Cayenne : Mireille lui fait visiter la ville. On lui a pris une chambre à côté de la nôtre : c’est aussi une première que d’être dans un hôtel avec piscine. Elle nage bien. Ah ! Les vertus de l’école républicaine. Sandra est ravie de l’aventure. Elle rentrera samedi à Mana. Elle est volontaire et veut poursuivre vers un BEP. Elle est porteuse de grands principes moraux. Son père a fui la guerre civile au Surinam, il y a plus de 10 ans et c’est un adepte de la secte protestante des évangélistes, qui exige une grande rigueur morale de ses filles. Les frères, c’est autre chose : l’un a 4 enfants avec 4 femmes différentes. Mais il faut dire (pour ceux qui seraient étonnés) que leur culture n’est pas la nôtre. En particulier le mariage est rare.

 Samedi 19 octobre.

 Je fais mon enseignement le matin, puis je retrouve Mireille, Sandra et Eric au marché où nous mangeons chez un chinois (moi du poulet laqué). Dans la nuit de jeudi à vendredi, j’ai été malade comme un chien crevant, avec des diarrhées subites et répétées. J’ai sûrement mangé une saloperie avec une colonie microbienne qui me ronge les boyaux ! De plus j’ai une énorme bouffiole à la fesse droite : je me suis fait piquer (par une araignée vraisemblablement) pendant une promenade en forêt en short ou dans le marais de Kaw.

 La situation de la Guyane est toujours aussi complexe : une immigration clandestine qui se poursuit, une augmentation de la population de plus de 5.000 personnes par an depuis 10 ans (population globale environ 160.000 habitants) qui fait que les services publics (écoles, transports, routes, habitat, etc.) ne suivent pas. Notre collègue recteur Bellegarde a de nouveau des difficultés avec les syndicats d’enseignants et les organisations de parents d’élèves qui ne veulent plus discuter avec lui, lui reprochant son immobilisme, son absence d’écoute et son autoritarisme. Il avait déjà eu une grève dure il y 2 ans.

 Des faits divers sordides augmentent le sentiment d’insécurité : un enseignant arrivé de métropole dans un lycée de Cayenne a été assassiné sans raison apparente par un jeune 15 jours après son arrivée.

Les résistances locales au changement des élites locales (en particulier des riches créoles) lassent les plus dynamiques, ce qui accélère une accélération des mutations vers la métropole. On sent bien du découragement.

 La base de Kourou (poumon économique de la Guyane) serait en difficulté, car il y a désormais moins de commandes de fusées pour satellites étant donné la crise mondiale et la venue du projet Soyouz est désormais repoussée, compte tenu de l’accident récent en Russie. L’administration est décriée, car par exemple elle exige (selon les règlements métropolitains appliqués bêtement) que les carbets aient des sorties de secours pour être homologués comme logements ou gîtes collectifs !

 Et c’est vrai qu’en même temps il existe des énergies, des ressources, une jeunesse importante et donc des potentialités pour demain. Notre département Carrières sociales de l’IUT participe avec ses moyens à ce développement durable tant vanté par les uns, mais réalisé par les autres dont nous faisons partie

. Et pendant ce temps plus au nord, au Venezuela, les confrontations se multiplient ainsi que les manifestations monstres (plus de 1 million de personnes pour Chaves et autant contre). Et au Brésil un Lula plus réformiste désormais et plus conciliant semble-t il avec le FMI remporte le 1° tour des élections au sud de la Guyane, de l’autre côté de la frontière, au Brésil. Le colosse aux pieds d’argile va-t-il tenir avec une Bourse et un réal en baisse continue ?

 On décolle vers 18h. de Cayenne. Voyage sans histoire (si ce n’est le mal à la fesse sur ces sièges inconfortables et plus de 5 heures d’attente à l’aéroport d’Orly parce que le vol Bordeaux-Paris prévu a été supprimé ! Ce sont des enfoirés ! Là, Air France tu charries !).

 Nous reviendrons en Guyane en Mai.

 Pensée du jour : «Dieu a partagé, la preuve : il a donné la nourriture aux riches et l’appétit aux pauvres». Pierre Desproges.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vers la [Chronique n° 45, Gijon (Espagne), le dimanche 3 novembre]

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