Lundi 6
mai
A Cayenne, il fait chaud et humide et il
me semble qu’il a pas mal plu.
Ici, on parle français, cela faisait
plus de 3 mois que je n’y étais pas confronté, et j’ai passé définitivement
l’équateur.
Réveil à 6 h du matin, par le bruit du
climatiseur énorme des cuisines et de la salle à manger.
Dehors à 8h1/4, je rentre à plus de 18h
tant j’avais de problèmes à régler : envoi de mes surplus de bagages à
Bordeaux, achats divers, nettoyage des vêtements, aller à Air France,
chercher de l’argent, voir un opticien, aller dans une agence de voyages,
passer à la DRJS voir mon ami Etienne, copain de Jean-Pierre Ardaillou. Il
m’invite gentiment à manger du mérou chez un chinois. Je vais aussi à
l’Université rencontrer Jean-Marie N’Dagano et régler plusieurs affaires par
internet et téléphone. J’apprends que Mireille ne pourra pas me rejoindre à
Cuba. Dommage ! Je finirai le périple seul, tel le globbe-trotter que je
suis : 2 personnes, cette semaine, m’ont appelé ainsi… Bientôt, ce sera
Tintin.
J’ai aussi le temps de prendre contact
avec quelqu’un de l’association Pirouette-Cacahouette.
Je n’ai donc pas eu le temps d’utiliser
la piscine de l’hôtel et Dieu sait s’il a fait chaud, humide et suant, ce
jour !
Je suis tout étonné que la télé soit en
langue française et je l’écoute alors qu’il y a un bal autour de la piscine.
Je m’endors vers 1h du matin au son de la musique locale. Réveil à 5h30 avec
les clims !
Mercredi
8 mai
Je me promène dans la ville de 9h à
12h30. J’avais oublié que ce mercredi était prolongé par le jeudi de
l’Ascension. La ville est vide.
Cérémonie sur la Place des Palmistes
pour la commémoration du 8 mai 1945. Vite plié : les autorités
administratives, politiques et militaires se saluent et se congratulent une
fois les gerbes déposées et les hymnes exécutés. On sent une caste unie et
complice. Alliée aux créoles qui, je l’ai appris, ont pour certains d’entre
eux bien spéculé sur les terrains à Cayenne, étant propriétaires, ayant donc
profité du développement de la ville au cours de ces dernières années. Cela
ne les empêche pas de se plaindre et de jouer les délaissés et les pauvres
dépendants de la métropole, mais en réalité ils représentent en tant que
caste toutes les inégalités de ce pays, avec leurs comptes à l’étranger. Ce
département est le deuxième de France du point de vue de la rentrée des
impôts sur le revenu, après la Seine Saint-Denis de Pasqua. On comprend que
les choses ne changent pas, socialement, ici.
A l’inverse, l’image que j’ai ce jour de
la ville est plutôt celle d’une cité propre et pimpante, contrairement à
celle que j’avais eu lors de ma première arrivée ici. Le passage par le
reste de l’Amérique du Sud a relativisé ma première opinion.
Je vais au marché et me promène
longuement le long de la mer. Il fait frais, le vent marin est bienfaisant ;
j’évite les cocotiers de peur qu’une noix ne se décroche. Je vais en ce lieu
caractéristique du site où le magma a surgi, séparant peu à peu ces 2
continents qui allaient former l’Afrique et l’Amérique.
Puis piscine, sieste, lecture, internet
et repas du soir avec Jean-Marie N’Dagano et son épouse. Réconfortant !
Quelques nouvelles : un barrage de
matons du centre pénitentiaire de Cayenne pour protester contre les armes
clandestines que se fabriquent des prisonniers. Un mort à coup de sabre dans
une cité. Le Pen a doublé ses voix entre le 1er et le 2ème
tour (5 à 10%). Au premier tour, la candidate guyanaise et radicale a fait
plus de 50% des suffrages.
J’ai enfin résolu la suite du voyage.
Mon contact cubain est pour 1 mois à l’étranger. J’irai donc au Mexique
après Montréal.
Jeudi
9 mai
J’ai pu, avant de décoller de Cayenne,
régler à Air France l’achat d’un billet pour New-York puis pour Mexico en
suivant, avec 2 compagnies alliées d’Air France. Une semaine en principe,
puis le Guatemala et enfin Cuba. Je peux modifier mon billet de retour de
Caracas à Paris pour un La Havane – Paris avec une pénalité qui me coûtera
bien moins cher que le voyage de Cuba à Caracas.
Départ pour Pointe à Pitre, à l’heure,
avec Air France. Escale à Font de France. Cette île, pour ce que je peux en
voir, possède lagons, mers vertes et bleues, plages de sable blanc, baies
profondes, collines et montagnes verdoyantes. Elle doit être agréable à
parcourir. Beaucoup de bateaux à moteur et de voiliers, en ce jour de
l’Ascension.

Idem en Guadeloupe, qui fait rêver, avec
Grande-Terre et Basse-Terre, La Désirade, Marie-Galante (pour Mimi !), Les
Saintes, Saint-Barthélémy et Saint-Martin. Beaucoup de transports style
ferry (mais sans auto) et des gens qui reviennent roses comme des crevettes
de toutes ces destinations. 29° ce jour. On voit au loin La Soufrière dans
les nuages.
La ville vue de près fait assez
lépreuse ; je remarque le palais de justice couvert de bandeaux de peinture
noire pour cacher les inscriptions indépendantistes. Ici aussi la ville est
déserte, bars et restaurants fermés.
L’hôtel où je suis est dans le même
laisser-aller, avec un nettoyage douteux, mais j’ai vue sur la mer, alors…
Il faut dire que la saison est ici entre Novembre et Mars, c’est-à-dire
lorsqu’il fait froid en France. Je suis donc là hors-saison… En été, seuls
les antillais viennent dans les îles pour retrouver leurs familles. Le
chauffeur de taxi qui m’amène de l’aéroport se plaint de ce que le tourisme
ne rapporte rien à l’île, car tout est organisé depuis Paris et payé là-bas
: les tour-operators ont leurs hôtels, plages, bateaux, etc.
La nuit, assis sur ma terrasse, je
contemple le port, les ouvertures vers la mer, le bas de La Soufrière et les
lumières dans la nuit avec le bruit des insectes des tropiques. Génial.
Vendredi
10 mai
Je me lève à 7h30, mais je suis réveillé
depuis un moment par les tourterelles (à moi Saint-Josse !), les clients
rares de l’hôtel et le début du ballet des bateaux. Il a plu et 2 cargos
sont arrivés dans la nuit. Voiliers et gros catamarans se dirigent vers la
mer. Les cohortes de touristes embarquent à grands cris sur les ferries.
Visite du marché aux légumes au port
(10F le kilo de tomates), aux poissons directement vendus du bateau (des
dorades de 1,20 mètre), du marché antillais (épices, rhum, artisanat). Enfin internet, mais c’est hors de prix.
Je pars à pied (pendant 3h30) vers Les
Abymes, puis je passe dans un secteur de bidonvilles (rue Case-Nègre),
égouts à l’air se jetant dans la baie, puis l’Université. Un choc : on
dirait des bâtiments après un bombardement, surtout ceux des UFR (plus que
ceux de l’administration). Un membre du personnel m’explique que rien n’est
aux normes (entre autres pour les séismes, mais ça se voit !), pas
d’escaliers de secours, des immeubles, dont des plaques de ciment se
détachent de partout parce qu’on a utilisé du sable sale ! C’est une honte.
Des bâches qui se sont par ailleurs en partie décrochées sont censées
protéger les passants des chutes de débris. C’est hallucinant d’incurie et
de trahison de la part du Conseil Régional. L’environnement est dans le même
style. Ordures accumulées à côté du pont, travaux municipaux (égouts)
interrompus depuis des mois.
J’arrive vers La Marina, lieu de
résidences au bord de l’eau, siège du port de plaisance (et ce n’est pas ce
qui manque comme bateaux), des quais et des restaurants de la Course du
Rhum. Je poursuis ma route jusqu’à la commune du Gosier pour aller au Fort
de Fleur d’Epée. 400 mètres de montée sous la canicule. Le fort ne vaut pas
le déplacement, mais la vue sur la mer, la Soufrière (toujours sous les
nuages) et Marie-Galante au loin est fort belle.
Je redescends. Tous les abords de la mer
sont occupés par des résidences privées, administratives (personnel du port,
de l’aviation civile) ou de grands hôtels (Novotel, Mercure). Ils
privatisent les plages les plus proches et les plus agréables. Je rentre
incognito et je vois l’image classique des touristes sous les cocotiers
auxquels on sert le punch ou le daïquiri. Français, américains, canadiens.
Pour trouver une plage accessible, il faudrait que j’aille plus loin, louer
une voiture ou prendre le bus. Mais il est tard et je n’ai pas mangé.
J’arrive à l’hôtel à 15h. Repos.
Pluies abondantes après le repas du soir
dans la ville déserte. Une pute noire en robe longue noire, cheveux courts
et cigarette aux lèvres (le vrai cliché) me racole à l’abri d’un auvent sur
le trottoir… Elle n’est pas jeune, moi non plus. Elle me propose de nous
amuser. Je la remercie et je rentre, seul.
Samedi
11 mai
Pluies fournies toute la nuit. Ce matin,
réveil en klaxon de bateaux partant vers les îles. Le ciel est noir et
Basse-Terre se confond avec la mer et les nuages. Je ne verrai pas la
Soufrière en entier. En partant pour l’aéroport, le taxi me fait passer dans
les quartiers HLM populaires de l’extérieur de la ville, à ma demande. Ca
vaut, et de très loin, les quartiers pourris de nos villes !
Arrivée à 18h à Montréal. 15°. Ce pays,
ce n’est pas un pays, c’est l’hiver, comme dit l’autre. Ca me change. Notre
collègue et amie Jocelyne Lamoureux m’accueille. Retrouvailles, repas sympa. |